Plongée dans l'univers des champignons marins

Plongée dans l'univers des champignons marins

Retour sur une expédition en mer éducative au cegep marque le coup d’envoi du programme Novasciences chez Biopterre !

Blog publié sur le site web de Biopterre le 11 novembre 2024

Situé au cœur du Bas-Saint-Laurent, Biopterre et le Cégep de La Pocatière embarquent des étudiant·es dans une aventure scientifique. À travers un projet interdisciplinaire, ces futur·es scientifiques, technicien·es et ingénieur·es se plongent dans l’exploration d’un univers encore largement méconnu : la biodiversité fongique du fleuve Saint-Laurent. 

Financée par le programme NovaScience du ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie du Québec, cette initiative représente une immersion dans le domaine émergent des biotechnologies marines. Les étudiant·es issu·es d’une multitude de programmes tel que Sciences de la nature, Techniques de bioécologie, Technologie du génie physique et Informatique collaboreront pour découvrir et caractériser des microorganismes cachés dans les profondeurs du fleuve, susceptibles de révolutionner notre compréhension de cet écosystème unique et d’ouvrir la voie à des innovations biotechnologiques inédites. 

L’objectif premier de cette initiative et du programme NovaScience est de stimuler l’interdisciplinarité scientifique tout en attisant la curiosité de la communauté étudiante pour la science appliquée. Ce projet d’une durée de deux ans met en lumière l’importance de la collaboration dans l’avancement des connaissances et les initie concrètement aux enjeux actuels des biotechnologies marines.

Notre laboratoire à ciel ouvert

Le fleuve Saint-Laurent, qui fait partie intégrante du paysage régional, est observable depuis le campus du Cégep, mais sa biodiversité, notamment microbienne, demeure en grande partie méconnue. Ce programme vise ainsi à combler ces lacunes, à approfondir la compréhension des écosystèmes marins du fleuve, en mettant l’accent sur la diversité fongique et à stimuler la curiosité scientifique des étudiants à l’égard du fleuve qu’ils côtoient quotidiennement. 

Larguer les amarres

Le coup d’envoi de cette initiative a été donné en grand le 1er octobre 2024, lors d’une mission d’une journée en mer à bord du navire de recherche Coriolis II. L’objectif, pour les étudiant·es à bord, était de collecter des données environnementales et des échantillons qui allaient servir de base pour la suite du programme. Les prélèvements d’échantillons ont été effectués au large de Rimouski, de la zone côtière jusqu’au milieu du chenal, sur un transect visant à échantillonner un large gradient de profondeur (de 0 à 300m), afin de favoriser la diversité des organismes récoltés. Les échantillons, comprenant des macroinvertébrés, du phytoplancton, ainsi que divers fragments de bois et sédiments, serviront de matériel de recherche pour d’autres groupes d’étudiant·es, qui se chargeront d’isoler, d’analyser et de caractériser cette biodiversité inexplorée.

L’union fait la force

La recherche scientifique est un travail d’équipe. La collaboration est non seulement un bon moyen d’optimiser les fonds et les efforts, mais elle s’avère essentielle pour faire progresser les connaissances plus rapidement et relever les défis tels que ceux soulevés par cette initiative. Cette première mission en mer a donc été le fruit d’une collaboration entre plusieurs organisations :

Centre de recherche initiateur du projet. Notre technicienne de laboratoire, Marilee Thiffault, était la cheffe de mission, appuyée par Catherine Bélanger pour la planification technique et la coordination du projet.

Appui pour l’engagement et la participation des enseignant·es.

Prêt de matériel et technique. Un de leurs techniciens spécialisés en océanographie, Frédérik Bélanger, a supervisé l’utilisation du matériel d’échantillonnage.

A permis d’optimiser la planification autour de leur mission stage et Ecomarine.

Avec plusieurs années d’expérience en coordination de missions en mer sous la ceinture, Maude Boissonneault a aidé à ficeler tous les aspects de planification avec les différents partenaires.

Organisme gestionnaire du N/R Coriolis II, qui a coordonné l’équipage à bord et la gestion du navire.

Formation en mer: au cœur de l’action 

La mission s’est révélée très enrichissante pour les étudiant·es, tant par les compétences techniques acquises que par l’immersion dans un environnement de recherche maritime. Elle a offert une opportunité unique de se familiariser avec une diversité de techniques spécifiques au domaine. Parmi ces techniques, on retrouve La benne à sédiment Van Veen, utilisée pour prélever des échantillons du fond marin, des techniques de préparation d’échantillons par tamisage, et le filet à plancton. Un autre instrument de pointe incontournable des missions en mer est la  CTD rosette, qui permet  de dresser un portrait physico-chimique détaillé de la colonne d’eau, enrichissant ainsi leur compréhension des dynamiques marines. 

Ces expériences pratiques leur ont permis de développer des compétences techniques et de renforcer leur capacité à analyser des données environnementales en temps réel. Travailler aux côtés des membres d’équipage a également été formateur, témoignant d’une perspective concrète des réalités et des défis de la recherche sur le terrain.

Le potentiel inédit des champignons marins

Le rôle des champignons marins est comparable à celui de leurs homologues terrestres, c’est-à-dire qu’ils sont reconnus pour agir principalement comme décomposeurs de matières ligneuses et autres substances organiques présentes dans l’environnement marin et peuvent également fonctionner en tant que parasites ou organismes symbiotiques. Cependant, les champignons marins se distinguent par leur capacité à s’adapter aux conditions environnementales spécifiques et extrêmes du milieu aquatique.

Par exemple, les souches présentes dans le fleuve Saint-Laurent doivent faire face à des variations de température, de pH, de pression osmotique, ainsi qu’à une forte compétition pour les ressources. Ces contraintes ont conduit ces champignons à développer des mécanismes adaptatifs uniques, aboutissant à des voies métaboliques qui leur permettent de produire des molécules et enzymes inédites, présentant un potentiel considérable pour diverses applications industrielles (pharmaceutique, alimentaire, agricole et autres).

Par ailleurs, il est estimé que seulement 0,01 à 0,1 % des microorganismes marins sont actuellement identifiés, ce qui révèle un potentiel immense pour la découverte de nouveaux composés bioactifs à usage commercial. Cette richesse inexploitée souligne l’importance de poursuivre les recherches dans ce domaine. Les travaux menés par les étudiant·es ne sont donc pas seulement formateurs d’un point de vue académique : ils contribuent directement à l’identification de nouvelles espèces fongiques marines, ouvrant ainsi la voie à la valorisation de nouvelles ressources biologiques encore largement inconnues.

Mission accomplie!

Cette mission a non seulement accompli tous ses objectifs, mais a joué un rôle clé en générant une quantité importante d’échantillons et de données exploitables. Parmi les activités à venir, on prévoit, par exemple, l’utilisation des échantillons de bois et de sédiments pour isoler et caractériser les espèces fongiques dans divers cours de microbiologie. Les macroinvertébrés et le phytoplancton seront quant à eux identifiés dans le cadre d’un cours d’écologie, tandis que les données environnementales recueillies à l’aide de la CTD rosette serviront de support pour des études de cas dans les cours de statistiques et de mathématiques. Certaines espèces fongiques seront également intégrées aux cours de génie physique pour développer des procédés expérimentaux basés sur leurs propriétés spécifiques. En outre, la mission représente une opportunité pour le corps enseignant, qui est invité à faire preuve de créativité en concevant des activités pédagogiques autour de cette thématique, afin de maximiser l’impact éducatif et scientifique de cette expédition.

Ainsi, de nombreux projets verront le jour grâce à cette initiative, la communauté étudiante étant encouragée à sélectionner des données et des espèces fongiques collectées pour concevoir leurs propres projets autonomes. La mission a été si enrichissante et bénéfique à leur égard que nous envisageons de répéter cette expérience pour les futures cohortes.

Au-delà de la formation, les données et les échantillons récoltés seront également mis à la disposition des entreprises du domaine via la recherche effectuée chez Biopterre, favorisant ainsi le développement de nouvelles technologies basées sur cette biodiversité unique.